Ce billet de blog résume l'intervention de la Côte d'Ivoire à la table ronde du Green Growth Knowledge Partnership (GGKP) intitulée « Inside the POPs Inventory: Lessons, Challenges and Successes from the Global NIP Update » qui s'est tenue le 14 avril 2025.
Les polluants organiques persistants (POP) constituent une menace sérieuse pour l'environnement et la santé publique, et il est essentiel de développer un inventaire des POP pour identifier les sources, guider les actions politiques et façonner les plans nationaux de mise en œuvre (PNM). L'établissement et la tenue d'un inventaire solide des POP ont été une question cruciale non seulement pour la Côte d'Ivoire, mais aussi pour l'ensemble de la sous-région de l'Afrique francophone, afin de remplir les engagements nationaux pris dans le cadre de la convention de Stockholm.
Malgré des efforts considérables, des défis persistent. Ceux-ci entravent la collecte et la mise à jour des données nécessaires. Ces obstacles, qui font des difficultés d'accès à l'information à la complexité de la collaboration avec le secteur privé, soulignent la nécessité d'une approche systématique. En identifiant et en adoptant les meilleures pratiques, la Côte d'Ivoire vise à améliorer de manière significative la collaboration externe et interne, renforçant ainsi l'efficacité de la préparation de l'inventaire et assurant une gestion plus robuste des POP.
Chronologie de l'élaboration des inventaires de POP en Côte d'Ivoire
La Côte d'Ivoire a élaboré trois inventaires nationaux de POP au fil des ans : le premier en 2006, suivi d'une mise à jour en 2016, et l'inventaire le plus récent réalisé à partir de 2022. Ces efforts ont permis de jeter les bases de la gestion des POP, mais ont également révélé des problèmes persistants liés à la disponibilité des données, à la coordination institutionnelle et à la continuité de l'expertise d'un cycle à l'autre. Chaque cycle d'inventaire a permis de tirer des enseignements importants, tout en soulignant la nécessité d'une capacité soutenue et d'une approche plus normalisée et collaborative.
Défis systémiques dans le travail d'inventaire des POP
L'un des obstacles les plus importants à l'élaboration d'un inventaire efficace en Côte d'Ivoire est l'accès à des données précises et complètes. Les informations quantitatives sur la production, l'importation, l'exportation, les stocks et l'élimination des POP sont souvent indisponibles ou fragmentées entre des institutions telles que le Comité des pesticides, le Comité de notification des déchets, le Centre ivoirien antipollution (CIAPOL) et les autorités douanières, sans système centralisé de gestion des données. L'engagement du secteur privé est particulièrement limité, car les entreprises invoquent souvent la confidentialité ou refusent tout simplement l'accès, ce qui bloque les efforts de collecte de données menés par les comités nationaux et les ministères.
Le travail d'inventaire nécessite une coopération multisectorielle. La Côte d'Ivoire a mis en place un comité interministériel composé d'acteurs clés, dont les ministères de l'industrie, de la santé, de l'agriculture, de la pêche, de la justice, de l'environnement, de la recherche, des municipalités, des douanes, du budget et des finances, ainsi que des ONG. Rassembler toutes ces parties prenantes dans un système coordonné est une tâche considérable. Chaque membre était censé rapporter et consolider les quantités et les stocks de POP dans son secteur, mais ce n'est pas toujours le cas. L'absence d'un cadre de coordination centralisé ou institutionnalisé entraîne souvent des doubles emplois, des retards ou des lacunes dans les données.
La cohérence et la comparabilité des données d'un cycle d'inventaire à l'autre est un autre problème persistant. La sensibilisation au niveau des POP est essentielle pour protéger la santé humaine et l'environnement. Le comité poursuit donc ses efforts pour veiller à ce que l'inventaire des POP soit tenu à jour comme l'exige la convention de Stockholm. Le soutien des experts nationaux, du comité directeur, du comité technique et du Green Growth Knowledge Partnership (GGKP) a permis de maintenir l'élan.
Défis liés aux inventaires spécifiques aux POP
Chaque POP présente également ses propres défis en matière d'inventaire. Pour les polybromodiphényléthers (PBDE), le manque de données sur l'âge et l'origine des équipements électriques et électroniques (EEE) importés d'occasion ainsi que la faible application de la procédure de déclaration administrative pour les véhicules en fin de vie compliquent l'estimation. Pour les substances perfluorocarbones et polyfluorocarbones (PFAS), l'inventaire est basé sur une estimation de la consommation nette dérivée des données relatives à la fabrication, à l'importation et à l'exportation. Cependant, le manque d'exhaustivité et de précision de ces données introduit une incertitude substantielle.
Les précédents inventaires de polychlorobiphényles (PCB) de la Côte d'Ivoire, élaborés en 2006 et 2016, n'ont pas été en mesure de couvrir l'ensemble du territoire national ou tous les secteurs industriels, en particulier le secteur minier. La mise à jour de 2023 a encore rencontré des difficultés pour obtenir des données auprès des entreprises privées en raison de la confidentialité et de la méfiance. Les retards administratifs ont encore ralenti le processus. En ce qui concerne les pesticides POP, les principaux problèmes sont la lutte contre la fraude transfrontalière et l'absence d'infrastructures adéquates pour stocker les stocks de pesticides confisqués. En ce qui concerne les POP non intentionnels (uPOP), la Côte d'Ivoire s'appuie sur des facteurs d'émission normalisés. Cependant, la collecte de données sur les taux d'activité des procédés industriels reste difficile.
Meilleures pratiques en matière d'élaboration d'inventaires de POP
Malgré les obstacles, la Côte d'Ivoire a élaboré et institutionnalisé un certain nombre de meilleures pratiques. Le renforcement des capacités nationales en matière de collecte et d'analyse des données, de sensibilisation des parties prenantes et de mécanismes de coordination efficaces pour la gestion écologiquement rationnelle des POP a permis d'identifier certaines bonnes pratiques dans l'élaboration et la mise à jour des inventaires de POP dans le cadre de la convention de Stockholm.
Tout d'abord, tous les processus d'inventaire ont été menés conformément aux directives internationales élaborées dans le cadre de la Convention de Stockholm, notamment L’Outil pour l’identification et la quantification des rejets de dioxines, furanes et autres POP non intentionnels de 2013 du PNUE, les directives et les orientations sur les PBDE, les PFAS, les PCB et les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), ainsi que les recommandations sur les déchets de véhicules (VFV).
L'identification et l'implication des parties prenantes possibles sont également cruciales pour accéder aux informations pertinentes et garantir l'appropriation des résultats. Les comités techniques et de pilotage, l'unité technique opérationnelle, les experts nationaux, les distributeurs et les détaillants sont associés au processus.
D'un point de vue méthodologique, l'utilisation de plusieurs méthodes de collecte de données combinant des analyses documentaires, des entretiens, des analyses bibliographiques et des enquêtes permet de trianguler les informations et de combler les lacunes potentielles des sources de données uniques. Pour garantir la cohérence et le suivi des progrès, il est important de définir clairement l'année de référence de l'inventaire. Cela permet de contextualiser les données collectées et de faciliter les comparaisons futures.
L'objectif de ces inventaires est de fournir une base pour la mise à jour du PNM. L'intégration des résultats de l'inventaire dans le cadre stratégique national garantit que les efforts de collecte de données se traduisent par des actions concrètes pour la gestion des POP. L'approche à deux niveaux (évaluation initiale et inventaire préliminaire) permet également d'identifier les domaines qui nécessitent un examen plus approfondi. Cette hiérarchisation des efforts contribue à une utilisation plus efficace de ressources limitées.
Enfin, la collaboration avec les organismes nationaux de réglementation tels que les douanes, l'Agence nationale de régulation de l'électricité (ANARE), la Société ivoirienne de contrôle technique automobile et industriel (SICTA) et le CIAPOL garantit l'accès aux données commerciales sur les substances chimiques et aux informations sur le secteur industriel.
"Notre collaboration avec les douanes et d'autres organismes nationaux est très importante. Il n'est pas possible d'accéder aux données relatives aux équipements polluants sans passer par les autorités douanières."
Collaboration régionale par le biais du CRCBS-AF
La participation de la Côte d'Ivoire au CRCBS-AF, le centre régional de la Convention de Bâle et Stockholm pour l'Afrique francophone, a considérablement renforcé les capacités nationales. Le pays siège au comité directeur du CRCBS-AF, aux côtés du Bénin, du Sénégal et de Djibouti, et collabore avec le Burundi, le Cameroun, Madagascar et le Togo par l'intermédiaire d'un groupe WhatsApp dédié aux points focaux de la Convention de Stockholm. Cette plateforme de communication et d'échange de connaissances en temps réel, ainsi que les webinaires et les formations régionales, ont joué un rôle important dans l'harmonisation des approches et l'élaboration de solutions collectives aux problèmes d'inventaire.
Lacunes restantes et prochaines étapes
Malgré les progrès accomplis, des lacunes importantes subsistent. En particulier, la Côte d'Ivoire ne dispose toujours pas de l'infrastructure de laboratoire et du personnel formé pour effectuer des analyses chimiques approfondies afin de vérifier la présence et la concentration de POP dans les matériaux ou dans l'environnement. Une grande partie du travail d'inventaire repose encore sur des méthodes indirectes, telles que l'analyse de documents et les entretiens. Le laboratoire du CIAPOL et le Laboratoire de toxicologie et d'hygiène agro-industrielle (LTHAI) font partie des quelques institutions dont la capacité d'analyse est limitée. L'expansion et l'équipement de ces installations seront essentiels pour améliorer la crédibilité scientifique des futurs inventaires.
Les efforts de la Côte d'Ivoire démontrent qu'il est possible d'élaborer des inventaires de POP efficaces, même dans des conditions difficiles, lorsqu'ils sont ancrés dans une coordination institutionnelle solide, soutenus par la coopération régionale et guidés par des cadres internationaux. Son expérience à travers les inventaires de 2006, 2016 et 2023 reflète une évolution claire de l'approche, de la capacité et de l'ambition.
Un investissement soutenu dans les capacités institutionnelles, l'engagement des parties prenantes et l'infrastructure technique sera essentiel pour la poursuite de l'élaboration de l'inventaire des POP en Côte d'Ivoire. Avec un leadership national continu et un soutien international, la Côte d'Ivoire est sur la bonne voie pour établir un système de gestion des POP sûr et basé sur la science, qui protège sa population, ses écosystèmes et les générations futures.
Ce billet de blog a été élaboré sur la base des conclusions de la table ronde du Green Growth Knowledge Partnership (GGKP) intitulée « Inside the POPs Inventory: Lessons, Challenges and Successes from the Global NIP Update » qui s'est tenue le 14 avril 2025. Dans le cadre du projet Global NIP Update (GEF ID 10785), financé par le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) et dirigé par le PNUE, cette table ronde a réuni neuf pays actuellement engagés dans l'examen et la mise à jour de leurs plans nationaux de mise en œuvre (PNM) dans le cadre de la Convention de Stockholm, afin de favoriser l'apprentissage par les pairs sur l'élaboration des inventaires de POP.
Pour en savoir plus sur le projet de Global NIP Update, visitez Global NIP Update | Green Policy Platform
Pour approfondir la table ronde du GGKP sur l'inventaire des POP, vous pouvez accéder à l'intégralité des enregistrements et des documents ici : Inside the POPs Inventory: Lessons, Challenges and Successes from the Global NIP Update